• Chapitre 1

    Partie I

    L'aube pointait le bout de son nez, et les premiers rayons de soleil inondaient de lumière les plaines du Royaume d'Edior. En ce jour de printemps ordinaire, les oiseaux chantaient, plusieurs commerçants et artisans avaient déjà commencé leur travail quotidien, le bruit des conversations mondaines s'intensifiait, les villages s'animaient. Loin des activités du petit peuple, le château du Roi d'Edior impressionnait par sa grandeur et sa splendeur. Dans la haute tour sud, une jeune fille était déjà éveillée depuis bien longtemps. Allongée sur le dos dans son énorme lit à baldaquin, elle regardait les ombres apparaître et s'étirer progressivement sur le mur face à elle.


    C'est aujourd'hui, pensa cette jeune fille qui se nommait Alys. Le grand départ. Aujourd'hui, je quitte ma famille, ma maison, mon royaume. Je pars pour épouser le Prince Kyo.


    Elle avait beau se le répéter, elle n'arrivait toujours pas à assimiler ce fait. Comme si cela concernait quelqu'un d'autre. Pourtant, c'était bien elle que son père avait convoqué voilà deux jours. Le Roi d'Edior était un homme bon et brave, Alys l'admirait beaucoup et l'aimait autant qu'une fille pouvait aimer un père. Alors, malgré ses réticences à l'idée de partir épouser un parfait inconnu, elle ne pouvait lui en vouloir pour cette décision. La guerre déchirait les différents royaumes, et s'unir à Katenze leur offrirait une alliance si puissante que leurs peuples pourraient continuer à vivre dans la paix et la quiétude pendant des dizaines d'années. Et puis, c'était son destin de partir. Tandis que c'était son frère ainé, Syla, qui hériterait du royaume. Elle, elle n'avait été élevée que dans le but d'épouser un prince pour augmenter la puissance du royaume, et pour porter les futurs enfants d'un roi. D'après sa mère, la Reine, il était d'ailleurs grand temps qu'elle accomplisse son destin. Elle avait déjà 17 ans, elle était une femme depuis bien longtemps.
    Incapable de se rendormir, la princesse repoussa ses draps de soie et sauta hors du lit. Sa robe de nuit finit rapidement au sol et, entièrement nue, elle traversa la chambre pour faire face au grand miroir qui ornait le mur.
    Une femme, elle l'était assurément, son corps en témoignait. La nature l'avait gâtée de belles courbes qui attiraient le regard de plus d'un. Un corps de rêve, des traits fins et délicats, une magnifique et longue chevelure bleue, des yeux violets envoûtants, une peau pâle et douce,... Les compliments pleuvaient, tout comme les jalousies des autres dames. La rumeur allait jusqu'à dire qu'elle était sans conteste la plus belle femme du royaume.


    Espérons que mon futur mari soit du même avis...


    Ses servantes arrivèrent rapidement pour lui faire prendre un bain brûlant et la préparer pour la journée. Alys avait la peau encore légèrement rose dû à la température élevée de l'eau lorsque Satou, indéniablement sa servante préférée, lui tressa ses cheveux bleus en une longue tresse, comme elle en avait l'habitude.
    - Quelle robe désirez-vous mettre aujourd'hui ? Demanda Kasumi, une autre servante dont la chevelure brune était ornée d’un nœud vert.
    - Celle que mon frère m'a offerte pour mon dernier anniversaire, décida Alys. Avec ma ceinture argentée.
    - Excellent choix, Votre Altesse.
    La robe, d'un bleu marine, était très simple par rapport aux autres robes sophistiquées qui ornaient sa garde-robe. Mais au vu du long voyage qui l'attendait, elle préférait porter son choix sur quelque chose de léger et confortable, quitte à subir la désapprobation de sa mère. Elle n'emportait pas moins dans ses bagages ses plus belles robes dont celle qu'elle mettrait pour sa première rencontre avec le prince Kyo. Ce moment se devait d'être mémorable, la première impression était primordiale.
    - Comment est-il ? Demanda Satou, qui se permettait souvent quelques familiarités avec sa princesse, pour le plus grand bonheur de celle-ci.
    Elles avaient le même âge et avaient grandi ensemble, et leur complicité dépassait celle d’une princesse et d'une simple servante, si bien qu’Alys la considérait comme sa meilleure amie.
    - Je l'ignore. Je ne l'ai vu qu'une seule fois, lorsque j'avais cinq ans, et je n'en ai gardé comme souvenir qu'un jeune gamin insouciant.
    - Je suis sûre qu'il est vaillant et qu'il prendra grand soin de vous, la rassura la servante. Sinon, jamais votre père n'aurait accepté ce mariage.
    - Je l'espère.


    Son père, Alys ne le revit que pendant quelques minutes ce jour-là. Entre une guerre à mener et des alliances à conclure, il semblait surmené ces temps-ci, mais Alys soupçonnait qu'il l'évitait ces derniers jours par culpabilité. Il prit cependant le temps de la serrer dans ses bras, et la jeune fille fit tout son possible pour ne rien laisser paraître des doutes qui l'assaillaient sur ce mariage pour ne pas aggraver son malaise. Sa mère, dont elle avait hérité de la chevelure bleue, se montra plus distante, réajustant simplement sa robe et lui ordonnant de se tenir droit, non sans pouvoir cacher une certaine fierté dans son regard.
    - Tu feras une épouse et une mère formidable. Fais ton possible pour offrir des héritiers robustes au Prince Kyo, et le plus tôt possible.
    - Je m'y appliquerai, promit la jeune fille. Je prierai chaque jour pour que nos garçons soient aussi braves et forts que Père, et que nos filles soient aussi ravissantes et gracieuses que vous, Mère.
    Des mots creux, des mots qu'elle avait appris par cœur, pour se comporter comme la princesse qu'elle était. Car si elle avait son mot à dire, elle aurait avoué ne pas se sentir prête à porter un enfant. Cela lui semblait si irréel alors qu'il y a quelques temps encore, elle était elle-même encore considérée comme une enfant. Sans oublier que la perspective de partager le lit d'un inconnu la terrifiait. Non, elle n'était décidément pas prête pour ça. Mais son avis importait peu, elle le savait, et tout ce qu'elle pouvait faire, c'était de prendre sur elle, cacher ce qu'elle ressentait, et sourire poliment, afin que ses parents soient fiers d'elle.


    Les évènements de la matinée s'enchaînaient trop rapidement. Déjà, Alys se trouvait dans la cour où une petite foule assistait à son départ. Des servants, des écuyers, des cuisiniers, tous des visages familiers dont elle ignorait si elle les reverrait un jour. Le carrosse royal l'attendait, et le capitaine de l'expédition, le chevalier Takahashi, donnait ses derniers ordres.


    - Tu comptais partir sans me dire au revoir ?


    Alys se tourna pour regarder le prince héritier la rejoindre dans la cour. Syla, son frère ainé, avait certes plus l'habitude de la taquiner que de la dorloter, mais il n'en restait pas moins un grand frère protecteur sur qui elle pouvait compter. Bien qu'ils ne soient pas jumeaux, la ressemblance entre eux était frappante, personne ne pouvait ignorer leur lien de parenté. Plus grand qu'elle d'une bonne tête, il gardait les cheveux courts et un visage imberbe. Si Alys avait été gâtée par la nature, son frère avait travaillé dur pour obtenir un corps musclé et, combiné à un visage beau et souriant, il connaissait le même succès qu'elle auprès du genre opposé.
    - Pourquoi n'étais-tu pas avec Père et Mère ce matin ? Je les ai quittés à l'instant.
    - Je préférais garder les adieux les plus déchirants pour la fin, répliqua-t-il avec son air taquin habituel. Et puis, il aurait été fort triste qu'aucun membre de la famille n'assiste à ton départ.
    - Père et Mère se placeront au balcon, comme le veut la tradition, remarqua Alys. D'ailleurs, tu devrais vite les rejoindre, nous sommes sur le point de partir.
    - Désire donc tu à ce point me quitter au plus vite ? Petite Alys me semble bien ingrate.
    - Votre Altesse ? Intervint en s'inclinant Takahashi. Nous sommes prêts à partir.
    Un coup d'oeil en arrière, et elle vit l'ensemble des chevaliers à leur poste autour du carrosse, n'attendant qu'elle.
    - Bien. Laissez-moi dire au revoir à mon frère et je vous rejoins.
    Ses yeux plongèrent dans ceux de son ainé et pendant un instant, elle se sentit redevenir une petite fille. Maintenant que le départ était imminent, l'angoisse montait en elle et les questions enfantines qui lui brûlaient les lèvres s'échappèrent par inadvertance.
    - Et si il ne m'aimait pas ? Chuchota-t-elle, cherchant du réconfort auprès de son grand frère. Et si il me traitait mal ?
    Il n'y avait qu'à lui qu'elle pouvait partager ses craintes. Avec qui d'autre pourrait-elle mettre en doute la décision de leur père, ou sa peur de ne pas être à la hauteur ?
    - Oh, il t'aimera, chère sœur, répliqua Syla d'un air évident. Et si la perspective d'unir nos royaumes ne l'a pas déjà conquis, laisse-le donc admirer ton énorme poitrine, cela devrait suffire à le convaincre.
    - Idiot ! Cria-t-elle en lui boxant le bras, les joues ayant pris une jolie teinte rosée.
    Son idiot de frère se contenta de rire alors que Takahashi toussota discrètement.
    - Votre Altesse, nous ne pouvons nous permettre de prendre plus de retard.
    Syla attrapa sa sœur par les épaules et la poussa vers l'avant, presque tendrement.
    - Allez, va, et pars l'esprit tranquille. Aie confiance aux décisions de notre père.
    Alys avança de quelques pas, posa un premier pied sur la marche du carrosse, puis se tourna une dernière fois vers le prince héritier. Etrangement, elle se rendait compte que même ses taquineries allaient lui manquer terriblement. Elle n'aurait plus aucun repère familier, là-bas.
    - Nous nous reverrons bien vite, remarqua Syla, comme si il avait lu dans ses pensées.
    - Oui. Au revoir, Syla.
    - Sois prudente, Alys.
    Takahashi ferma la portière derrière elle, et le bruit de la fermeture avait quelque chose de si définitif qu'Alys eut toutes les peines du monde de ne pas pleurer. "Je ne veux pas partir", disait la voix enfantine en elle. Mais elle était une femme maintenant, et une femme devait accepter son destin dignement. Ravalant ses doutes et son chagrin, c'est la tête haute qu'elle répondit aux signes de main de son frère, de la cour, de la populace, et enfin de ses parents installés au balcon, déjà si loin.

    Chapitre 2 >>


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  • Commentaires

    1
    Lundi 12 Octobre 2015 à 18:01

    Un décor qui se plante, une trame qui se noue. Franchement, ce premier chapitre est exaltant. Créer un environnement épique et chevaleresque avec les chanteurs virtuels tout logiciel confondu est une excellente idée, je trouve. ALYS a vraiment bien sa place comme rôle principal... Et la fin de ce chapitre est si triste :'( Allons voir la suite ! 3:)

    2
    Mercredi 14 Octobre 2015 à 18:37

    Très bien écrit, de belles tournures mais sans lourdeur, les dialogues sont audibles et l'univers change un peu de l'aspect futuriste dont sont bercés les chanteurs virtuels! :)

    Par contre les noms sonnent un peu trop exotiques à mon sens. Tu devrais essayer de les diversifier un peu puisque même les chanteurs virtuels n'ont pas tous des noms japonais ;)

      • Dimanche 25 Octobre 2015 à 15:34

        Merci ^^

        Par rapport à ta remarque, en fait mon but est d'utiliser le plus de chanteurs virtuels possible pour les personnages de mon histoire. Mais si je ne prends que ceux avec un prénom non-japonais, ça réduit énormément mon choix... La solution à laquelle j'avais pensé était de renommer les Vocaloids avec des prénoms que j'inventerais. Mais ça aurait été très difficile de se rappeler quel prénom correspond à quel Vocaloid, pour vous mais aussi pour moi ;) Alors comme il s'agit d'un monde inventé, je me suis dit que ça ne poserait pas tant de problèmes que ça qu'il y ait un mélange de prénoms occidentaux/orientaux.

    3
    viviblue
    Mercredi 14 Octobre 2015 à 19:49

    C'est magnifiquement bien écrit! J'ai tellement hâte de lire la suite !

    Juste au paragraphe des servantes, il y a écrit "peu" à la place, je suppose, de "peau". Voilà c'était juste pour prévenir cette faute de frappe  :).

    Bref, j'adore, continue !

      • Dimanche 25 Octobre 2015 à 15:35

        Merci ^^

        Merci d'avoir fait la remarque pour la faute, je l'avais corrigée dès que j'avais lu ton commentaire ;)

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    4
    Dimanche 13 Mars 2016 à 17:59

    L'écriture nous emporte facilement dans l'histoire, j'ai lu d'une traite ce texte x)

    L'héroïne vit dans un milieu aisé, mais n'est pas pourri gâté. On sent que la situation la pèse et qu'elle ne veut pas importuner son père. Je trouve ce profil intéressant pour une princesse !

     

    5
    Salomé Shõri
    Mardi 1er Novembre 2016 à 12:26

    Je découvre tes écrits avec plaisir, je vais enchaîner très vite avec la suite . J'aime beaucoup ton style très fluide, et bien rythmé ! Félicitations  yes !

    P.S : petite faute de frappe : Sous prudente Alys 

      • Mardi 1er Novembre 2016 à 13:40

        Merci pour ton avis !

        Et merci, c'est corrigé ^^

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